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Ces textes ont pour but de mettre en évidence une fascisation accélérée du pouvoir. Et de proposer une humble critique de la réaction à gauche et de la complicité des hautes sphères de celle-ci. Si j'écris ce texte, ce n'est pas uniquement par nécessité urgente de soutenir la minorité musulmane qui est la première mise en danger. C'est aussi parce que le fascisme n'étant jamais rassasié, il trouve toujours d'autres "ennemis intérieurs" à combattre et que donc nous sommes toutes et tous concerné·es par la lutte antifasciste. Voilà pourquoi je parle d'avantage de fascisme que d'islamophobie. D'autant que je ne suis pas une personne concernée (une amie, que je remercie, s'est chargée de relire ce que j'écris pour éviter des bêtises de ma part à ce sujet). Mais on y reviendra.

 

Pour définir le fascisme, je me base sur le célèbre discours de Eco Reconnaître le fascisme qui propose des caractères récurrents dans ce qu'il appelle l'Ur-fascisme : une forme plus "culturelle" que politique du fascisme. Le fascisme qui se retrouve même en dehors des gouvernements totalitaires, les "racines" de la pensée fasciste, en quelque sorte. Eco distingue 14 points dans l'Ur fascisme, en voir un seul suffit à craindre le fascisme. Il peut en effet prospérer à partir de la moindre porte ouverte. C'est pour cela qu'il aiguiser notre vigilance. Voir tous ces points en même temps est très rare. Par contre, il est fréquent d'en retrouver plusieurs dans un discours, l'idéologie d'un groupe politique etc. Ces points les voici résumés :

 

  1. Le traditionalisme

  2. Le refus de la modernité

  3. Le culte de l'action pour l'action

  4. Aucune critique possible, le manichéisme

  5. La peur de la différence, donc le racisme (j'ajouterai les hétéro-cis-sexismes, notamment)

  6. L'appel aux classes moyennes frustrées

  7. Le nationalisme, exacerbé par des réactionnaires au pouvoir

  8. Un ennemi diabolisé; à la fois trop fort, pour se glorifier, et trop faible, pour le dénigrer

  9. Le culte de la guerre

  10. Un élitisme populaire, "les masses ont besoin d'être dirigées par un guide"

  11. Une éducation qui place les "apprenants" et "apprenantes" en héro

  12. Le machisme, (on dirait plutôt aujourd'hui "sexisme", mais l'idée est la même)

  13. Du populisme, un appel au peuple pour servir des intérêts non populaires (abolir la démocratie, aussi imparfaite soit-elle, sois-disant pour le bien de la société, par exemple)

  14. Une novlangue, on ne la présente plus : une forme de jargon systématique qui détourne le sens des mots

 

Je trouve personnellement que les points les plus fréquemment développés en ce moment dans le discours et les actes du pouvoir sont les 4, 5, 7, 8 et 14, respectivement : le manichéisme, le racisme et la peur de la différence, le nationalisme, l'invention d'un ennemi intérieur et la novlangue. Je donnerai des exemples de pourquoi je pense cela tout au long de ce blog.

Je vous encourage à lire cet émouvant discours qui coûte à peine 3€ en ligne (et est volable facilement dans toutes les bonnes librairies).

 

D'autres auteurs ont tenté de donner des "traits définitoires" du fascisme. Les travaux les plus complets ont été Fascisme et grand capital de Guérin, et Anatomy of fascism de Paxton, qui se base sur le texte de Guérin.

 

Parmi les traits les plus importants, on retrouve la présence d'une milice, un groupe d'individus agissant de manière extra-légale. Ce groupe sert majoritairement de défense au capitalisme, il sert historiquement de mercenaire aux capitalistes pour réprimer les grèves notamment. Évidemment, la situation a changé mais on retrouve le caractère extra-légal, c'est-à-dire à la fois illégale et protégée par le pouvoir en place. Ces groupes sont violents et commettent régulièrement des agressions et des actions de propagande raciste, notamment en déployant des banderoles aux slogans le plus nauséabonds sur des lieux publics, ou carrément en se substituant aux forces de l'ordre par exemple en refoulant des migrants et migrantes à la frontière. Pour ce dernier cas, l'état a encore du mal à déléguer ce genre de missions, ce qui explique que trois meneurs de cette opération aient été condamnés par de la prison ferme pour, je cite : « avoir exercé des activités dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ». Autrement dit, le caractère raciste et inhumain de l'acte est toléré, mais "laissez-nous nous en occuper".

 

Mais le développement des milices n'est qu'une conséquence d'une évolution historique qui amène au fascisme et que l'on devine tous et toutes par déduction : le capitalisme en crise favorise le fascisme. Et ce, pas par la bêtise humaine, mais plutôt parce que les crises amènent le pouvoir à resserrer les vis par peur que le mécontentement populaire pousse à des révoltes, voire des révolutions.

 

Nous sommes dans une telle période. Il est évident que la crise de 2008 n'est pas finie, et qu'a celle-ci s'ajoute une crise sanitaire aggravant la situation. Et le capitalisme produisant des crises à répétition (le proverbe dit : "le capitalisme, c'est la crise") nombreuses et nombreux sont les économistes craignant une prochaine crise encore pire que la dernière.

 

Mais revenons aux groupuscules d'extrême-droite, car leur rôle de milice a évolué entre autre en celui de propagandiste, de lobbyiste en quelque sorte, pour les dirigeants et dirigeantes d'extrême-droite institutionnellement compromis·es. Le discours fasciste, par l'intermédiaire des cadres du fn/rn, s'est banalisé. On dit pudiquement se "dédiaboliser", mais il n'y a jamais eu de "diabolisation" du fascisme, tout simplement parce que tout le monde sait ce que c'est. Encore que l'on peut voir que ce lobbyisme marche, puisque je suis amenée à écrire ce texte.

 

Par imitation, électoralisme, et adhésion sincère, les partis de droite un peu moins extrêmes reprennent ce discours pour l'intégrer dans le discours institutionnel, et c'est comme ça que l'on se retrouve avec un président de la république élu en opposition à l'extrême-droite qui tient un discours d'extrême-droite sur un prétendu "séparatisme".

 

En retour, ces discours donnent confiance et encouragent les groupes d'extrême-droite. Ils sentent leurs thèses de merde validées par le pouvoir en place (qu'ils combattaient soi-disant hier). Ceci est aussi en partie dû à un laissez-faire de la société, passivement complice. Comme on va le voir, la gauche a sa part de responsabilité. Et si les réactions des antifascistes permettent de faire reculer les fascistes sur certains points, souvent il est trop tard, le mal est fait. Et la réaction de l'état sur le coup est, sans surprise, d'une grande complaisance. C'est par l'action antifasciste que des résultats concrets peuvent avoir lieu. Seulement, il s'agit encore que de réaction, il y a aussi de la "prévention" à faire (un slogan dit "le fascisme est un poison, le socialisme est le remède"). Il y a tout un travail à mettre en place pour éviter que les fachos se sentent à leur place et réduire au maximum leurs coup d'éclats.

 

Dans tous les cas, les médias, quand ils ne soutiennent pas ouvertement les fascistes, sous-estiment la violence et l'influence que ces merdes peuvent avoir sur la société. Aussi, la faussement naïve revendication de la "liberté d'expression" justifie la haine et l'appel à cette dernière. Un être monstrueux appelle à la déportation d'enfants et n'est pas inquiété, au mieux des textes indignés sont publiés sur twitter. Une personne, la même, est condamnée à plusieurs reprises pour "provocation à la haine religieuse" mais est invitée tous les jours sur les chaînes de télé, sa parole est toujours écoutées avec bienveillance et sans contradiction.

 

Le fn/rn est depuis sa création islamophobe et même raciste et xénophobe en général (et sexiste, homophobe etc et il n'y a jamais eu de remise en question de cet héritage). N'oublions pas que sa candidate à la présidentielle de 2017 a déclaré qu'elle était "contre l'immigration". En plus d'être absurde, cela révèle une haine de l'autre et une stratégie de répandre la peur irrationnelle, la xénophobie : étranger = problème. (point 5 et 8 du fascisme, la peur de la différence et l'invention d'un "ennemi intérieur", voir point 7, le nationalisme, en sous-texte mais toujours présent à l'extrême-droite). Proposition des plus stupides mais qui fournit un laissez-passer et une justification institutionnelle aux discours les plus racistes. Aujourd'hui le discours présidentiel est plus similaire que jamais à celui que tenait son opposante à l'élection de 2017, et cela risque d'empirer si on fait rien.

 

Regarder le passé peut nous permettre de comprendre mieux l'évolution actuelle. Les années malheureusement qui nous aident le plus ici sont le début des années 1930. A cette époque, le discours antisémite se développait et gagnait en confiance. Aujourd'hui, on retrouve des mécanismes similaires vis-à-vis des personnes de confession musulmane. Si "Les années 1930 sont donc celles d’une maturation accélérée de l’antisémitisme", les années 2010 à aujourd'hui semblent hélas être celles d'une maturation de l'islamophobie

(Les années 1930 en France Le temps d'une radicalisation antisémite, Debono; article en ligne gratuitement ici : https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2013-1-page-99.htm)

 

En effet, en regardant l'évolution politique des ces dernières semaines, le crime horrible commis contre un enseignant par un intégriste a servi d'ultime prétexte à un ensemble de mesures et de discours islamophobes. Le terrain a été préparé par des années d'amalgames et de "polémiques" sur le voile. C'est une libération du discours raciste auquel on a assisté depuis des décennies, on a aujourd'hui une droite qui se dit "décomplexée", autrement dit qui n'a plus la moindre gêne à être raciste. Ce décomplexe se retrouve aujourd'hui dans le gouvernement par exemple. Le nationalisme le plus virulent (point 7) est déployé par le ministère de l'éducation nationale : régulièrement, le ou la ministre de l'éducation souhaite faire chanter la marseillaise aux élèves, hisser le drapeau au petit matin etc. Mais l'actuel ministre a fait plutôt fort : la mise en place d'un service militaire pour les 16-18 ans.

 

On pourrait dire que ce n'est plus que le discours raciste qui est "libéré" ou "décomplexé" mais bien la pensée fasciste, qui contient le racisme comme une de ses caractéristiques les plus importantes.

Cette libération de la parole antisémite passe aussi par la dénégation : on peut dire ce que l’on veut des Juifs dès lors que l’on a pris soin de se démarquer des « antisémites ». Les outrances de certains professionnels de la haine tendent à amoindrir la gravité de propos plus modérés, dont la nocivité est pourtant avérée. On constate une tolérance plus grande à l’expression de stéréotypes, un recul de certaines barrières mentales

Les années 1930 en France Le temps d'une radicalisation antisémite, Debono

Ce constat concernant l'antisémitisme des années 1930 me fait bien penser au fameux "je suis pas raciste mais...", on cherche à se démarquer du racisme tout en lui donnant une légitimité : "je ne suis pas raciste" donc "si je dis ça, ce n'est pas raciste" (évidemment que c'est raciste, personne n'est dupe quant au fait que si c'était effectivement pas raciste, il n'y aurait aucun besoin de le préciser). De même, les éditorialistes actuel·les font du lobbyisme raciste au même titre que leurs ancêtres "professionnels de la haine" : pas difficile de paraître "soft" comparé à ce qu'on entend chaque jour à la télé.

 

Les éditorialistes les plus nauséabonds se lâchent plus que jamais. Tous les jours de nouvelles horreurs sont éructées par les pires salauds du monde médiatique. Et contre cela peu de résultats concluants sont observables. Tous les gens ayant des responsabilités quelconques dans la diffusion de cette haine ne réagissent pas. Ces gens sont donc d'office complices. Des politiciens "degôche" continuent de se faire inviter sur les plateaux salis du vomis raciste, désormais quotidien. Pire, on assiste à des concours de racisme : des journalistes parmi les plus pathétiquement pitoyables se révoltent lorsqu'on les accusent de ne pas être islamophobes comme les autres. Évidemment, comme dit plus haut, les agitateurs et agitatrices professionnel·les dans les médias ne sont pas racistes... mais...

 

A l'inverse, le terme "islamophobie" et ses dérivés n'est jamais employé. Et si la moindre critique de cette haine hideuse se fait entendre, on nous accuse d'être complice de "l'islamisme" (point 4 et 8, refus de la critique et création d'un ennemi intérieur).

 

Convaincue que le discours est une confrontation idéologique permanente, je tiens à expliciter ces phrases évidentes, mais essentielles :

 

  • Les personnes de confession musulmane ne représentent aucun danger, ne sont pas des ennemis.
  • L'islam, n'est pas un problème de société à résoudre, c'est une foi qui ne regarde que les personnes concernées.
  • La religion n'est pas une ennemie de la vie politique. Cette dernière n'est pas incompatible avec une croyance religieuse.

 

Les termes-mêmes qui hier étaient employés par les plus crasseux de l'extrême-droite et moqués par les autres, sont maintenant assumés, des plus hautes sphères du monde médiatique au plus basses marches de l'échelle hiérarchique. Et ce, même par des personnes de gauche (de la plus modérée à la plus radicale, du ps aux anarchistes), qui, en prétendant reprendre le flambeaux de l'émancipation, se retrouvent complices de son exact contraire.

 

Ces derniers points, on en parlera dans un autre blog, qui traitera plus précisément le cas de la gauche et les réponses à apporter. Puisqu'elle est aussi en danger, certes moins immédiat, par l a fascisation du pouvoir en place. De même que les lgbtqia+ et d'autres.

 

Bon courage !

Tag(s) : #antifascisme
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