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Dans cet article, on va parler d'un livre qui résonne de plus en plus fortement avec ce que l'on vit actuellement. Il s'agit de Récidive 1938 de Fœssel, philosophe. Si cet ouvrage me paraît intéressant, ce n'est pas tant pour lui-même, un traçage l'année 1938 au travers de la presse, que pour les réflexions qu'il apporte sur le temps présent. De la part d'un philosophe, le contraire aurait été étonnant.

On va proposer nos propres réflexions et ajouter des éléments acquis dans d'autres articles. Il faut dire que Fœssel est à l'opposé de nous en ce qui concerne la perspective d'analyse : Le livre adopte un point de vue étatiste et capitaliste; il n'est jamais question de remettre en cause l'ordre établi et n'adopte pas un point de vue radical; il n'a pas pour objectif de remettre en cause les fondements mêmes de ce qui permet les situations qu'il décrit.

Le contraire aurait été étonnant, de la part d'un professeur à polytechnique...

 

Toujours est-il que Récidive 1938 va me permettre ici de développer quelques points très importants pour comprendre l'actualité. Non pas qu'il y ait une ressemblance brute avec 1938, mais des "rapports d'analogie".

 

Basiquement, ce livre retrace la chute de la 3ème république avant l'instauration de la dictature de Vichy, durant l'année 1938. L'idée n'est pas de faire une comparaison froide avec l'année 2018 (l'année de sortie du livre) mais de voir ce qui peut provenir d'un même mécanisme, chercher un "rapport d'analogie" :

 

Il existe entre 1938 et 2018 un rapport d'analogie dont il est urgent de prendre la mesure.

Récidive 1938, p167

Ce n'est pas une égalité, le contexte est logiquement différent, mais une "analogie de proportionnalité" :

Une analogie n'est pas une simple ressemblance, mais une égalité des proportions. Elle n'affirme pas que A = B (1938 = 2018), mais que A/B = C/D : il s'agit d'une identité de rapport entre des réalités hétérogènes

idem, p170

Autrement dit, les points communs avec l'actualité ne sont pas tant à calquer sur le passé qu'à mettre en contexte. Tout simplement parce que l'Histoire ne se répète jamais. Par exemple, la proximité de la france avec une dictature impérialiste n'est pas à l'ordre du jour. De même, la dernière guerre mondiale date de 75 ans. La terreur de l'époque pour une nouvelle guerre mondiale est donc à contextualiser et à prendre en compte dans le reste des analyses. A l'inverse, le fonctionnement du parlementarisme et l'autoritarisme du régime actuel peuvent à maints égards être vus comme une résurgence, avec ses particularités contemporaines, des tares de la 3ème république.

 

C'est qu'il y a dans la tragédie de 1938 la conjugaison d'un ensemble de problèmes spécifiques à l'état et au capitalisme (bureaucratisation, autoritarisme, "trahison" des mouvements sociaux par les organisations dites "ouvrières"...), automatiquement présents dans ces régimes, mais d'autant plus aggravés que la vieillesse du régime les a fait mariner par manque de renouvellement et de remise en question. On attribue souvent la chute de la 3ème république à la faiblesse du parlementarisme bourgeois. L'auteur, Fœssel fait l'analyse inverse : la troisième république s'est écroulée sous le poids de ses propres contradictions. Ou plutôt, que ce qui l'a perdue est le fonctionnement correct de ce régime.

 

Déjà, il faut savoir que cet argument de la faiblesse de la démocratie est issu de la propagande vichyste pour discréditer le régime parlementaire, et donc justifier les pleins pouvoirs. Il a ensuite été repris par le régime gaulliste, particulièrement à propos de la 4ème république cette fois, toujours pour justifier l'autoritarisme et la superpuissance de l'exécutif (de de gaulle lui-même donc). On peut donc émettre quelques doutes sur la pertinence d'une telle analyse... Bien qu'on ne porte pas spécialement le parlementarisme dans notre cœur en tant qu'anarchiste, on pense qu'il faut savoir trouver les bonnes critiques plutôt que copier la propagande des réactionnaires et des conservateurs.

 

Pour commencer cette critique, on peut noter avec l'auteur que l'autoritarisme était de plus en plus d'actualité en 1938. La thèse de la soi-disant "faiblesse" de la démocratie ne tient pas. Au contraire, le fait que la démocratie ait aussi facilement accepté la dictature et l'alliance avec le fascisme et le nazisme prouve que l'état de la 3ème république était plutôt accueillant à l'égard de ces dictatures :

Je n'ai pas vu dans la france de 1938 un pays que son respect des règles parlementaires rendait vulnérable à l'ennemi fasciste.

p25

Bien pire, on assiste dans cette période et depuis des années alors à une sorte de "pré-fascisation" du régime. On voit les points que Eco dans Reconnaître le fascisme a donné pour rester attentif à l'avancée du fascisme. J'en parle plus précisément et en lien avec l'actualité dans l'article "Le fascisme qui vient : ici et maintenant"). Par exemple, on remarque la recherche d'un ennemi intérieur fantasmé :

La recherche du coupable (Juifs, socialistes, communistes, franc-maçons, métèques) et le désir de se débarrasser d'eux une fois pour toute préexiste à la déroute [la défaite de 1940, qui servi de prétexte à l'instauration de la dictature] parce qu'ils se sont nourris des défaites subies par la démocratie française au cours des années d'avant-guerre.

p25

En quelque sorte, le racisme et la réaction "préparent le terrain" qui servira à la dictature et à la violence de celle-ci de germer. Les thèmes employés par le discours vichyste à l'arrivée de pétain au pouvoir ne sortent pas de nulle part :

Je n'affirmerais pas que les collaborateurs collaboraient déjà avant l'occupation, mais il existe tout de même des automatismes de pensée qui survivront à la défaite.

p161

J'ai vu en 1938 des mots d'ordre, des réflexes de pensée, des éléments de langage qui structurent l'ordinaire de la politique française depuis longtemps.

p165

L'avantage de 1938 est de condenser en quelques mois des évolutions à l’œuvre depuis plus d'une décennie dans le présent : radicalisation conservatrice du discours camouflée par une idéologique post-partisane, triomphe des solutions libérales en pleine crise du libéralisme économique, perception des procédures démocratiques comme un obstacle à la mise en œuvre d'une politique efficace, renforcement inexorable du pouvoir exécutif, multiplication des lois sécuritaires, restriction dans la politique d'accueil des réfugiés, stigmatisation d'une minorité religieuse à la faveur d'une "guerre" officiellement déclarée contre ses membres les plus fanatiques.

p165

1938 était donc comme un point culminant de l'évolution de la république bourgeoise et son libéralisme autoritaire. Sa soit-disant "faiblesse" procédurale et "droit de l'hommiste" est en fait une violence d'état exacerbée par une crise économique historique (1929) et la présence de régimes durs à proximité immédiate.

Le détour par 1938 permet de voir en accéléré une démocratie qui prétend se défendre en empruntant les armes de ses adversaires les plus acharnés.

p165

En effet, les fameux "goût de l'effort" et "esprit de sacrifice adorés, et leur opposé "esprit de jouissance", étaient déjà dans les bouches et les plumes des politiques et personnalités influentes de 1938. En langage plus fleuri, ce discours réactionnaire oppose les "feignasses" qui bénéficieraient d'aides publiques aux personnes prêtes à se sacrifier (c'est-à-dire, sacrifier leur santé) pour "relancer l'économie". On a donc un appel à au sacrifice typique des régimes autoritaires, qui réclame un "état fort" pour lutter contre "l'oisiveté"... Pas besoin d'aller plus loin, vous entendez ce discours réactionnaire à la télé et la radio tous les jours.

 

L'influence des idées d'extrême-droite ont donc déjà pénétré la 3ème république quand arrive la guerre en 1939. L'ampleur qu'a pris l'affaire Dreyfus, déjà plus de trente ans auparavant, était telle que ses conséquences sont restées dans l'esprit du temps jusqu'en 1938.

 

De même, la "faiblesse" de la république qui réprime violemment les grèves, qui instaure une politique migratoire stricte... est à relativiser. On a plutôt largement à faire à un gouvernement "degôche" autoritaire en 1938. Cette année-là, le front populaire s'était non-seulement séparé d'un Blum déjà peu radical, mais l'avait surtout remplacé par un daladier "radical" (ce parti était aussi peu radical que le parti "communiste" est aujourd'hui communiste...) autoritaire et prêt à tout pour éviter une guerre, pourtant manifestement de plus en plus inévitable avec l'impérialisme nazi, même s'il faut pour cela vendre audit impérialisme d'autres pays (les accords de Munich livrant la tchécoslovaquie à l'allemagne, par exemple).

 

Très tôt le front populaire montrait des signes négatifs au prolétariat. Il avait appelé à la fin de la grève de 1936 - on se souviendra toujours de la fameuse phrase "il faut savoir arrêter une grève" - prouvant par là, dès leur arrivée au pouvoir, leur distance avec le prolétariat et ses revendications et plus largement avec la révolution. De même, pendant la campagne, le pc et le ps se sont alliés avec le parti "radical" en question plus haut. Cette alliance celait le tournant bourgeois des partis dits "ouvriers" (ps et pc) et impulsa l'utilisation des symboles nationalistes : marseillaise, drapeaux tricolores etc. dans le but d'amadouer les classes moyennes réactionnaires susceptibles de passer à droite ou de rester au parti radical.

L'analyse plus spécifique du front populaire sera faite avec un acteur de cette période : Guérin. Il a écrit quelques textes, dont nous reparlerons suurement dans ce blog, qui traitent de la montée du fascisme et du front populaire. Notamment Fascisme et grand capital.

 

Toujours est-il que l'échiquier politique se radicalise à droite : la gauche se droitise, la droite s'extrême-droitise et l'extrême-droite se fascise.

 

En effet, le racisme et sa cousine la xénophobie se banalisent. On trouve alors mile et une excuses aux propos les plus odieux :

Je commence à avoir l'habitude des "mais" de 1938.

p11

Comme aujourd'hui, les racistes de" 1938 disent "ne pas être raciste mais..." Un mécanisme rhétorique compris par tout le monde pour permettre de vomir sa haine. On cherche à se démarquer des méchants racistes tout en refusant d'admettre (ou ne voulant pas que d'autres le comprenne, ce qui est littéralement prendre des gens pour des cons) que l'on en fait partie. Mais ce simple cache-sexe négatif ne suffit pas. Il faut produire une raison positif du racisme, qui n'avance plus masqué pour personne.

 

La xénophobie prend notamment pour excuse un meurtre commis par un juif sur un ambassadeur allemand pour remettre en question - en tout cas plus qu'il ne le faisait déjà - le droit d'asile des juifs et juives allemand·es entre autres (fuyants le nazisme et les guerres, je vous le rappelle), mais aussi des étrangers et étrangères en général.

 

Les rares journaux de l'époque un minimum lucides (ou tout simplement pas en faveur du régime) parlent de "pré-fascisme" avec des caractéristiques similaires à celles que Eco déterminera dans son discours d'après-guerre Reconnaître le fascisme dont on a parlé dans un autre blog. En 1938,

 

le pré-fascisme français réside dans des associations d'idées, une manière de mobiliser le public en l'habituant à interpréter les événements et les urgences dans un cadre autoritaire hostile aux étrangers.

p142

A l'époque, les "étrangers" désignaient surtout les juifs et juives.

 

Autre facteur favorisant l'émergence du pré-fascisme selon l'auteur, quoi que nous ayons des réserves sur cette interprétation : à l'époque, on assiste à une perte de qualité de la presse avec une recrudescence des reportages bidons qui se concentrent sur le "sourire de la comtesse" et autres bêtises de ce genre, de plus en plus de mensonges, on parle déjà de "fausses nouvelles" qui circulent. Si on peut relativiser l'importance actuelle des reportages nuls de chez pernaut et les "fausses nouvelles" de la presse écrite, à l'époque c'était important. Les journaux étaient les seules sources d'information et était très lus. On ne peut donc nier l'influence des médias (à l'époque du média, pour le coup) sur le développement du racisme. Le média le plus influent aujourd'hui serait sans doute encore la télévision, Même si internet, s'il ne produit pas en soit du discours idéologique, sert constamment de relais au fascisme que a su s'emparer de cet outil en avance sur la gauche.

 

Le fonctionnement de la presse confirme ma thèse selon laquelle les discours contiennent des luttes d'hégémonie idéologique sous-jacentes :

 

Dans la presse d'extrême-droite de 1938, les phrases ne sont pas écrites pour élancer une opinion, encore moins pour relater les faits. Elles servent à construire avec de l'encre un immense champ de bataille où se joue le destin de la france et où la victoire passe par l'humiliation ou l'anéantissement du camp adverse.Comme les journaux fascisants ne veulent à aucun prix d'une guerre avec les régimes autoritaires qui leur conviennent en tout point, le véritable ennemi est intérieur. La guerre des mots est une guerre civile française. Dans ce genre de textes, les phrases sont écrites pour mobiliser.

pp159-160

Et cette lutte idéologique sous-jacente a des conséquences réelles, au-delà du discours. Il s'agit de « guerre verbale destinée à être sanglante » (p160). Le racisme tue. C'est ni plus ni moins ce que ce genre de livre cherche à prouver, s'il est encore besoin de le faire. A propos du racisme justement. Il n'est plus à démontrer le lien entre fascisme et racisme, voyons ça de plus prêt.

 

Le fascisme a besoin d'un ennemi pour exister. C'est sa raison d'être que de s'opposer à l'existence d'une population. Même les nazis le disent eux-même. schmidt, le juriste nazi l'avait théorisé. Le fascisme s'oppose aux personnes pour ce qu'elles sont. En haïssant ainsi (parce que c'est là de haîne qu'il s'agit) des gens pour ce qu'ils sont, le fascisme ne se satisfait jamais de ce qui peut être fait dans ce sens. Cela mène logiquement les fachos à exclure, puis pire, la communauté visée; mais, une fois débarrassé de celle-ci (ou en même temps, en parallèle), à s'en prendre à une nouvelle communauté etc.

Ce qui fait que le fascisme, si on le laisse-faire dévorera tout. Il suffit de voir le fonctionnement des partis fascistes : le parti nazi visait l'extermination des juifs et juives, mais aussi la "reconversion" des LGBTQI, l'euthanasie des personnes handicapées etc. Même au sein du parti nazi, contrairement à ce que la propagande cherchait à faire croire, il y avait un grand nombre de divergences de vues et des conflits très violents amenant parfois même au meurtre : par exemple quand hitler ordonna de se débarrasser des sa, par intérêt politique mais aussi par différence de vue, lors de la "nuit des longs couteaux".

 

A l'inverse, l'antifascisme, en s'opposant aux personnes pour ce qu'elles font, et non pour ce qu'elles sont, militera jusqu'à la ce que les personnes dangereuses arrêtent leurs exactions, ou changent de lieu, puis retournerons à leurs occupations. Du moins, cette vision donne une perspective trop immédiate de la lutte antifasciste et trop modérée pour avoir un poids politique suffisant à mettre fin au fascisme. On y reviendra dans la conclusion. En attendant vous pouvez voir la vidéo de Philosophy Tube sur le sujet :

Si vous avez lu les 5 lignes précédentes, vous avez compris que les antifa ne sont pas "les symétriques des fa", contrairement à ce que de sinistres ex-stalinien (ou "néo", c'est selon) cherchent à faire croire pour produire la confusion nécessaire à combler le manque d'intelligence et d'honnêteté de leurs perspectives politiques.

La "faiblesse" de la démocratie, était donc plutôt une perte des "valeurs" de la république, son renforcement autoritaire. Justement à propos des "valeurs, certaines réactions face au pré-fascisme ont été trop attachées à ce qui n'avait déjà plus de sens. Lutter contre le pré-fascisme au nom de ce qui lui facilite la tâche, c'est perdre son temps et être à côté de la plaque, c'est futile :

Il me semble que Marianne accorde trop aux mots "république" ou "valeurs" sans voir qu'il ne recouvrent plus grand-chose cette année-là. (...) Il n'est pas rentable de défendre des positions nuancées dans un pays en voie de radicalisation.

p154

Cette dernière phrase est très intéressante. La posture du "centrisme", qui consiste à ne pas s'opposer frontalement, voire à ne pas prendre parti - dans ce cas, plutôt conserver le discours naïvement conciliateur nationaliste de "l'unité nationale" rendu désuet par la montée de l'extrême droite - est très dangereuse dans ce genre de contexte. Face à la radicalisation d'extrême-droite du régime, il n'y pas de médiation possible, c'est du sérieux, des vies sont en jeux, comme vu plus haut. On verra à la conclusion quelles perspectives avoir, justement, au lieu d'une neutralité tronquée :

 

Prétendre à la neutralité dans une société hétérogène, c'est favoriser la situation hégémonique. Cette faveur à l'hégémonie s'exacerbe en fonction de la polarisation de ladite société.

 

Voilà pourquoi je reste persuadée que pour lutter contre le fascisme, il faut être radical·e. La modération ne fait que justifier le discours en voie d'hégémonie.

 

Bien loin d'une "faiblesse" congénitale de l'état avant la guerre, on avait affaire à un durcissement autoritaire qui dépassait toutes les limitations supposées naïvement à la démocratie bourgeoise. La 3ème république avait choisi son camp, et depuis longtemps déjà. De la même manière, de nos jours, le pouvoir a choisi son camp il y a bien longtemps1

La politique de daladier, faite d'assouplissement économique et de reprise en main autoritaire, est aux régimes qu'elle combat ce que les politiques néolibérales menées depuis plus d'une décennie sont au nationalisme autoritaire qui menace de venir dans nombre de pays européens.

Ce constat limpide est bien évident aujourd'hui, à l'heure où un gouvernement mis en place par rejet de l'extrême-droite produit une politique similaire à ce que l'on cherchai à éviter avec ladite extrême-droite. Le pré-fascisme ambiant prépare le terrain pour l'arrivée au pouvoir de l'autoritarisme réactionnaire puis peut-être le fascisme lui-même.

 

Mais, à l'époque comme aujourd'hui, il est toujours possible de renverser la donne. Et comme la tendance est à l'aggravation du discours réactionnaire et le renforcement de la répression étatique, plus on mettra de temps avant de se bouger les fesses, moins ce sera facile. Les récentes manifestations monstre sont un bon signe, il me semble. L'Histoire ne fonctionne pas par fatalité, ce sont nos actions et notre positionnement par rapport à celle-ci qui lui donnent sa forme. Comme le dit lui-même l'auteur :

 

« En 1938, rien n'était inéluctable » (p173).

 

Alors, à nous de nous demander quelle est notre place dans l'Histoire et ce que nous voudrions faire.

 

La montée d'un pré-fascisme doit être combattue. Il faut être "anti-pré-fasciste". C'est de la lutte antifasciste, de la prévention, en quelque sorte. Mais une lutte simplement négative (contre le fascisme, en s'opposant au (pré-)fascisme) ne peut au mieux que prévenir du pire et retarder son arrivée. Pour contrer cette tendance négative, il faut aussi avoir une perspective positive (pour quelque chose). Il faut avoir en même temps une posture d'opposition et de proposition : à la fois une lutte contre le fascisme et un projet pour une autre société sans fascisme.

 

Le point de vue de l'auteur reste bourgeoise et très académique. Il aimerait que la "démocratie" (bourgeoise) se "défende" face à l'autoritarisme alors que l'ensemble de son œuvre a pour but de montrer que cette même démocratie n'a fait continuellement qu'ouvrir les bras aux régimes nationalistes et racistes. La 3èmes république a fait des appels du pieds aux fascismes mais a aussi pris des mesures bien sincèrement racistes et nationalistes, sans devoir penser à ce qui plairait ou non à ses voisins d'extrême-droite.

Aussi, ses idées restent celles d'une petite-bourgeoisie naïvement confiante envers l'union européenne. Il parle par exemple (et sans rire) de "consensus européen autour de la démocratie", quoi que cela veuille dire...

Qui peut prétendre à une démocratisation de l'institution bourgeoise européenne ? Cette même institution qui a une grande responsabilité (pas toute, bien entendu) dans l'instauration progressive du néolibéralisme autoritaire dans le continent...

A-t-on déjà vu l'europe bouger ne serait-ce que le petit doigt contre le racisme d'état ?

Peut-on imaginer un état, et a fortiori une union d'état, vouloir mettre fin aux violences d'état, et par là risquer de se priver de ce qui le maintient au pouvoir ?

Autant vouloir démocratiser l'autoritarisme.

 

En tant qu'anarchiste, je ne veux pas d'un autoritarisme démocratique, d'un libéralisme économique ni même d'un état "providence" (l'état n'a jamais été une "providence", il ne fonctionne que par la violence qu'il exerce sur ses sujets). De même, en tant qu'anarchiste comme en tant que LGBTQI, je ne veux pas juste repousser le fascisme et éviter la catastrophe pour un bref délai, je veux m'en débarrasser pour toujours. Et il y a du boulot !

 

Ni état policier, ni état gendarme !

 

Comme vu dans la série de blog Le fascisme qui vient, grossièrement, le capitalisme se sert du fascisme pour servir les intérêts de la bourgeoisie (on en parlera plus en détail en traitant de Fascisme et grand capital de Guérin). On ne peut donc être antifasciste sans être anticapitaliste. Autrement, le fascisme sera viré par la porte mais rentrera par la fenêtre.

Il faut donc proposer un projet (et le mettre en route) positivement anticapitaliste radical, qui arrache les bases matérielles du fascisme (l'autoritarisme et le capitalisme, pour faire court) et du capitalisme (la propriété privée, le travail, pour faire très court).

Il nous faut donc à la fois un projet de société qui se passe de la propriété privée et qui ne soit pas autoritaire.

 

Vous me voyez venir ou pas ?

L'abolition de la propriété privée et du travail, c'est le communisme, la société non-autoritaire, c'est l'anarchisme. Je porte donc contre le fascisme et le capitalisme (mais pas que, bien sûr) un projet communiste libertaire (ou "anarco-communiste", comme vous voulez), dont on parlera sans doute dans un article dédié.

 

La dictature a utilisé comme prétexte la possibilité de la fin de la guerre pour se mettre en place. Le risque de guerre en france même semble bien évidemment plus faible qu'à l'époque. Il n'y a pas à proximité de régime impérialiste qui cherche à prendre une revanche. La république a servi de charbon au brasier pré-fasciste, la démocratie a voté les pleins pouvoirs à un dictateur militaire.

Aujourd'hui, la majorité parlementaire vote les lois dites de "sécurité globale" et toutes les lois dites "anti-terroristes" qui ne sont qu'un prétexte à la privation de libertés politiques et individuelles. La 5ème république sert de charbon au brasier pré-fasciste.

 

On ne peut donc pas faire confiance aux institutions bourgeoises, de 1938 comme d'aujourd'hui. Il faut que l'on développe des formes de vie non-hiérarchiques (l'anarchie), basées sur la solidarité des classes prolétaires (les gens forcés de travailler ou être au chômage pour vivre)... En clair,

Pas de guerre entre les peuples

Pas de paix entre les classes

Vive l'Anarchie !

1Il faut bien garder en tête que le 3ème république à été constituée sur les ruines de la Commune de Paris, réprimée dans le sang par un versaillais qui sera à l'origine de cette république. Le but de celle-ci et de son président était normalement de servir de transition vers le retour de la monarchie. Le premier septennat était la durée jugée nécessaire à la restauration. L'Histoire a montré que la bourgeoisie et les monarchistes ont trouvé dans le régime autoritaire de l'exécutif républicain et présidentiel un compromis entre démocratie capitaliste et autoritarisme personnifié; dans tous les cas, l'état était sauvé du projet fédéraliste et communaliste.

Dans le discours réactionnaire de 1938, ce n'est d'ailleurs pas tant la république en elle-même que son parlementarisme qui est fustigé, ça veut déjà dire beaucoup.

Encore des raisons de relativiser à la fois la "faiblesse" fantasmée de cette gestion de l'état par la troisième république mais aussi l'intérêt et l'utilité de toute forme de république bourgeoise et d'état.

 

Vive la Commune !

Tag(s) : #antifascisme, #livre, #Histoire
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