Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un spectre hante le monde. Le spectre de l'émancipation sexuelle et de genre. Cette révolution ne saurait venir de la seule pratique de la marche des fiertés telle qu'elle se présente sous sa forme actuelle.

Tant que nous ne pourrons affirmer performativement1 notre droit à être, à l'épanouissement et à la vie, autrement que par une célébration spectaculaire aseptisée de toute perspective de lutte, nous ne pourrons prétendre à l'émancipation. Notre marche restera, dans cette circonstance, un mensonge de plus à nous-même et à cet entre-soi ponctuel à la fois entretenu par et engrenant dialectiquement notre aliénation spectaculaire.

1 Par performativement, j'entends action produite par une manifestation matérielle indépendante. C'est un terme emprunté de la linguistique, qui désigne les "actes de langages". Par exemple, rien qu'en disant simplement "la séance est ouverte", la présidente de séance ouvre la séance. Ainsi, en marchant lors de la Pride, nous affirmons, par la manifestation matérielle de notre fierté, notre existence et nous donnons une place dans la société.

Cette aliénation nous fait paradoxalement célébrer notre misère en rendant festif ce qui devrait aller de soi : notre liberté d'existence. Ainsi, par la reprise de notre affirmation de soi performative, de notre épanouissement/liberté vive, par la société du spectacle, nous ne faisons que renforcer le status quo de notre malheur : si nous marchons, c'est que nous ne sommes pas libres; notre parade l'affirme et l'accepte car elle se contente de la danser au lieu de s'en révolter légitimement. Notre instinct de survie-même, qui devrait nous faire agir collectivement et en autogestion contre l'état et le capitalisme, se transforme en défilé de ce qui devrait être la vie, dans un océan infernal de misère humaine.

Pourtant, le potentiel révolutionnaire internationaliste d'une communauté risquant de la peur à la mort de part le monde, et dont la simple existence remet en question le patriarcat-même, est immense.
Cette subversion ontologique de l'ordre existant est contrée en partie par la volonté de certaines franges de la communauté de s'intégrer à un système social et économique d'exploitation du vivant. Celles-ci, comme l'intersectionnalité nous aide à le comprendre, peuvent maximiser la réduction de leurs souffrances au sein du totalitarisme marchand en se pliant tant bien que mal au modèle hétéropatriarcal. L'obtention du droit à l'institution bourgeoise et patriarcale du mariage par les personnes homosexuelle et bi/pan-sexuelles fait par exemple partie de ce phénomène. Il n'est plus question là de remettre en cause le système d'oppression système hétéro-cis-patriarcal, mais de réclamer à en faire partie, sans même penser poursuivre la naïve fantaisiste tradition de changement des insitutions "de l'intérieur".

Ainsi, la subversion "ontologique" des lgbtqia+ - en "étant" simplement, notre existence s'oppose au fonctionnement de la société - trouve sa limite dans sa dimension dialectiquement négative : ce n'est que parce que le système dominant est contre nous que nous sommes, la subversion de notre existence ne peut marcher qu'en fonction de ce qui nous nuit.

A cette limite, nous opposerons la subversion positivement performative : en affirmant notre différence et s'en référant pour produire un projet d'émancipation radical, le patriarcapitalisme ne peut nous tenter par ses avantages égoïstes. Dans cette perspective, notre positionnement se fait non-plus par rapport à notre condition d'oppressé·es, mais en dépassant les simplement pseudo-critiques frontales et réformistes, pour en faire le point commun d'une lutte qui doit nous apporter une réelle liberté d'épanouissement, au quotidien, et non pas relativement à une parade une fois dans l'année.

Le capitalisme a besoin de diviser le classes laborieuses (en "races" imaginaires, en genre, en facultés physiques et mentales etc) pour perdurer, il profite des divisions, qu'il exacerbe, pour mieux régner. Avoir réussi à diviser ce qui était un exemple, certes imparfait, d'unité face à un ensemble d'oppressions systémiques (l'hétéro-cis-sexisme, dérivé du patriarcat) est un grand succès du capitalisme. Les féministes et lgb transphobes ne l'on pas compris et jouent parfaitement ce jeu-là. Mais mettre fin à celui-ci ne sera que la moitié du chemin : Les violences économiques et sociales spécifiquement hétéro-cis-sexistes préexistent au capitalisme, c'est-à-dire que, si celui-ci profite de celles-là tout en les aggravant à son avantage, il n'en est pas la cause. C'est pourquoi une révolution sociale est également nécessaire à notre émancipation.

L'état et ses institutions sont au service du capitalisme et de ces violences sus-nommées : C'est sa police qui réprime notre volonté d'émancipation, son système éducatif qui nous formate à l'hétéropatriarcat, ce sont ses frontières qui empêchent nos congénères de pays et sociétés plus brutales encore à leur égard de trouver refuge, c'est son corps médical qui remet en question notre existence-même et légitime, en détournant la médecine scient(r)istement, les entraves étatiques les plus dégueulasses à la libre expression de nos êtres propres.
Une émancipation des lgbtqia+ ne peut se faire, en aucun cas, d'aucune manière, par le pouvoir étatique. Sa simple présence met en péril l'abolition du capitalisme et la liberté de notre épanouissement, et juste notre liberté, tout simplement.
Les actions politiciennes et électoralistes, voire même juridiques, si elles peuvent réduire temporairement les souffrances au sein du système capitaliste, ne portent aucunement "en germe le terreau révolutionnaire" qui mènera à l'émancipation lgbtqia+ et mondiale, car elles ne peuvent remettre en cause le capitalisme, ni l'état qu'elles utilisent, et encore moins les hétéro-cis-sexismes qui lui servent de confirmation de leur hégémonie.

Une lutte émancipatrice est autonome ou n'est pas.

La libération sexuelle et de genre ne sera l’œuvre que des lgbtqia+ et des femmes elles-même.

Des mouvement sociaux de ce genre, eux par contre portent effectivement en germe le terreau révolutionnaire. Et ce, même s'ils aboutissent finalement à une "réforme" ou une action étatique qui ne remet pas en cause fondamentalement le système patriarcapitaliste mais qui apporte un répit temporaire bien utile pour pouvoir continuer à essaimer les graines de la révolution mondiale sexuelle et de genre. Mais ces concessions précises ne sont pas en soi une critique radicale de ce qui nous détruit, contrairement aux mouvements sociaux forçant le capitalisme à les faire.

Il restera toujours pour nous, lgbtqia+ révolutionnaires, un fait encore manifestement trop peu évident pour certaines personnes et certains groupes : lorsqu'on fait du mal à une personne de la communauté, à travers elle, on s'attaque à la communauté tout entière. En remettant en cause la validité sociale d'une personne lgbtqia+, on le fait pour nous toutes et tous. Voilà pourquoi, la lutte pour l'émancipation sexuelle et de genre ne peut se faire sans une lutte antiraciste, dans une perspective intersectionnelle. Les féministes et lgbtqia+ racistes ne l'on pas compris et jouent très bien ce jeu-là.

A chaque Pride, les hétéro-cis-sexismes gagnent, car ce qui était alors une lutte émancipatrice est une techno-parade bien tranquille; ce qui était affirmation performative de soi, par la pratique révolutionnaire, est maintenant un prétexte à agrandir la vitrine du système marchand et prend acte de nos souffrances comme manifestations à peine visibles d'un mal indéfini; ce qui était perspective émancipatrice n'est plus que confirmation de l'hégémonie hétéro-cis-sexiste, du patriarcat.

Voilà pourquoi on gagnerait à avoir une marche de fiertés révolutionnaire, intersectionnelle, autogestionnaire et anticapitaliste, donc antiétatiste et internationaliste. Mais pas que par une marche une fois par an : un mouvement global de critique radicale en théorie et pratique du système patriarcapitaliste est nécessaire. Il n'est jamais trop tard pour assurer un avenir joyeux à nos générations futures. Par contre, c'est maintenant ou jamais, en ce sens qu'abandonner maintenant cette lutte, c'est la renier d'emblée et donc la discréditer pour tout le monde et à tout moment.

Ni état, ni patriarcat.

LGBTQIA+ du monde entier unissons-nous !

Kate

Tag(s) : #anti-patriarcat, #lgbtqia+
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :